Le silence pour les maux

60’000 pensées journalières

C’est ce que produit en moyenne un individu. Si on ajoute à cela l’intrusion quotidienne des sollicitations médiatiques, pas étonnant que notre cerveau souffre de surmenage à la fin de la journée ! Face à cette hyper-connexion neuronale et sociale, on se voit proposer toujours plus d’applications et astuces afin d’optimiser notre time management, augmenter nos performances pour devenir des super-héros du quotidien qui font toujours mieux, toujours plus vite. Et finalement, au lieu d’être en action et au contrôle de notre vie, nous sommes devenus des machines à réaction de plus en plus performantes face à cette sur-sollicitation interne et environnementale. L’aliénation par la connexion.

Mais jusqu’à quand ? Car notre corps a bien une limite d’accumulation de stress et de traitement de l’information avant de rendre l’âme. Pourtant, on constate que ces maux contemporains sont en train de mettre le monde occidental à rude épreuve. Et si la réponse, pour être plus efficace en développant mieux notre créativité, était de tout arrêter pour un instant ? Le mode off, la déconnexion totale, chuuuuut. Le silence.

Nomophobie

Au lieu de télécharger une énième application qui me permettrait de faire face à cette sur-connexion qui commençait à envahir mon quotidien, j’ai voulu tenté la cure de désintox ! Carrément, oui. Car la nomophobie (no-mobile-phone phobia) est un mal contemporain à prendre au sérieux (2) ! En l’espace d’une décennie, le smartphone a envahi notre quotidien. Devenu tellement indispensable qu’il est impensable de s’en séparer, même pour quelques heures. J’ai donc décidé de relever ce challenge pendant 10 jours, non sans appréhension, je l’avoue. Du coup, c’est soulagée mais dépouillée que je me suis jetée à l’eau : plus de réveil, plus de météo, plus de google map, plus de contacts, plus d’appareil photo, plus de calendrier… plus de smartphone quoi. Mais cette déconnexion-là, sans le savoir encore, ne serait pas le défi le plus rude à relever.

Face à l’essentiel

Oui, parce qu’un sevrage pour les junkies de la connexion passe aussi par une désintox des relations sociales. C’est donc dans une retraite silencieuse au milieu des montagnes suisses que j’ai décidé de me perdre, afin de porter mon attention sur l’instant et rien d’autre. Ah oui, et sur le bruit des vaches suisses aussi 🙂 Je me suis alors retrouvée face à l’essentiel, la seule chose sur laquelle nous avons un réel pouvoir et une vraie responsabilité. Non, pas le bruit des vaches, simplement le moment présent…

Le problème c’est qu’entre les sollicitations externes et notre nuage de pensées, nous refaisons souvent le passé, essayons de prédire le futur et oublions la richesse du présent. Entre ces aller- retours hypothétiques du passé au futur, la beauté de l’instant nous échappe trop souvent. Quand on dit que la nuit porte conseil, c’est peut-être simplement parce qu’on met en veille le raisonnement mental et qu’on arrête de tout repenser. C’est à ce moment qu’on permet à notre subconscient de prendre possession de la grandeur du silence afin de jouir d’une liberté de création qui sort du cadre rationnel. Mais ça, c’est un autre sujet…;)

Surprise !

Envahis par nos pensées, nous regrettons les expériences passées et nous réjouissons de celles qui sont à venir. Nous nous identifions à nos actes, à notre métier, à notre expérience ou statut social. Nous sommes notre juge le plus impitoyable qu’il soit. Et c’est bien là tout le drame de la déconnexion. La retraite silencieuse permet de déconnecter son smartphone et de tout autre distraction chronophage. A ce stade, le sentiment de liberté qui nous gagne est délicieux. Malheureusement, ce doux plaisir est de courte durée, car il ne met pas automatiquement le brouahah mental en veille, bien au contraire. Surprise, le challenge se cache ailleurs et la torture commence. Car c’est dans le silence que les murmures mentaux font le plus d’écho. Tout l’enjeu est là : lâcher ce qui ne nous appartient pas, pour vivre l’instant. Alors le vrai défi commence, car le mental cherche toujours à s’échapper du moment présent(3). Comment vivre simplement, sans être à la recherche de la perfection, sans nous fixer dans le jugement ? Comment sortir de cette emprise du contrôle mental et lâcher-prise ?

L’attention

L’ironie du sort, c’est que nous sommes désespérément à la recherche du lâcher-prise, tout comme nous courrons derrière le temps. Alors qu’il suffit de s’arrêter dans l’instant pour en profiter indéfiniment. Pour lâcher, nul besoin de recevoir l’état de grâce. Il est, au contraire, question de donner toute son attention au présent, à l’Être. Utiliser ses cinq sens pour capter les sensations et vivre le moment en pleine conscience. Le silence, le vrai, n’est pas celui qui nous coupe du monde. Il est bien plus puissant que cela. C’est celui qui permet d’apprécier pleinement le chant d’un oiseau, la caresse du vent sur la peau ou la valse des saveurs lors des repas entre amis. Seule l’attention au présent nous permet de prendre pleine conscience du pouvoir d’action que nous détenons. Face à l’impermanence de l’expérience, acceptons la responsabilité du moment, car c’est notre seul champ d’action.

Et maintenant ?

Ces dix jours de silence m’ont permis de dépoussiérer certaines vérités essentielles et de revenir à mon quotidien avec un remède 100% bio et écolo ! Le silence serait-il votre solution contre cette épidémie qui touche notre village global hyper-connecté ? L’avantage c’est que pour ce remède-là, aucun besoin d’ordonnance pour le tester, pas de contre-indication, et pour les effets secondaires… je prends volontiers vos réactions 😉

La solution miracle n’existe pas. Elle n’est pas non plus dans la retraite permanente, elle est dans l’Être. Dans la qualité de notre présence au quotidien parmi les autres. La responsabilité incombe à chacun de mettre en œuvre son pouvoir d’action pour créer ses propres conditions d’épanouissement. Les seules limites qui existent sont celles que l’on s’impose. Nous avons été éduqués à tout type de performance, sauf à la plus essentielle, celle de vivre la magie du présent. Être tout simplement. A méditer…

Références :

  1. A. Zanardi, 2009, La dimension psychologique de la maladie, Milan, Éditions du Dauphin.
  2. Nomophie, et si vous vous testiez ? Cliquez ici pour en savoir plus.
  3. E. Tolle, 2000, Le pouvoir du moment présent : Guide d’éveil spirituel, Outremont, Éditions Ariane.